Israël Wildfogel, engagé volontaire (1939, sl). Archives familiales

Israël WILDFOGEL
par son fils Claude Wildfogel

Mon père est né le 29 juin 1912 à Varsovie. Il avait deux frères, l’un né en 1904 à Varsovie et l’autre, Max, né en 1922 à Hanovre (Allemagne) qui échappera à la Shoah, ayant immigré quand il était adolescent en Palestine. Il avait également deux sœurs nées à Hanovre et disparues pendant la guerre.

Son père, Abraham-Jankel, était artisan tailleur, sa mère Rozza Zanger restait à la maison, s’occupant du foyer et des enfants.

La famille fuit les pogroms polonais. Ils s’arrêtent à Hanovre. En 1930, ils habitent Markstrasse, puis en 1938, Steintöfelstrasse n°1, où ils partagent l’appartement avec un célibataire allemand non juif, toujours ivre.

La famille est traditionaliste, chaque vendredi soir, tout le monde va à la synagogue ; mais elle est bien intégrée à la vie sociale d’Hanovre. Mon père joue dans l’équipe de football, il est membre de plusieurs associations.

En 1937, mon père quitte l’Allemagne à cause de la pression quotidienne du nazisme : par exemple, au cinéma, lors des actualités, ses copains le montrent du doigt, en disant “Jude, Jude”. Il va à Paris, où sont déjà ses deux sœurs. Régine décédera d’un cancer pendant la guerre, Anna est déportée par le convoi 16 du 7/8/1942. Il exerce le métier de culottier, domicilié au 153 rue Amelot, Paris 11e.

Son permis de séjour n’est pas renouvelé, mais il bénéficie d’un sursis le 25/9/39. Engagé volontaire le 21/10/39 dans la Légion étrangère, il est incorporé au 1er RMEDE. Il est convoqué à la Commission de révision le 14 mai 1940, puis réformé définitif par le Conseil de révision de Perpignan le 8 novembre 1940. Renvoyé dans ses foyers, il est démobilisé et résident à Capbreton, au lendemain de l’armistice. Le 11 juillet, il demande une prolongation de résidence.

De retour à Paris, il se marie avec ma mère, Ryfka Mariem Szoor, le 21 novembre 1940.

Quelques mois plus tard, le 14 mai 1941, il est arrêté et interné le jour même à Beaune-la-Rolande. Il travaille à la ferme de La Matelotte, jusqu’au 13 juillet 1942. Ma mère a rendu visite à mon père à Beaune-la-Rolande, mais je ne connais pas la date.

Pour ma naissance, le 7 novembre 1941, mon père obtient une permission de quelques jours, sous réserve d’un retour à la date convenue, sinon toute la baraque serait punie. Malgré une opposition de la famille présente, il a tenu parole vis-à-vis des copains et on connaît la suite.

Transféré à Pithiviers, le 17 juillet, il est déporté par le convoi 6, vers la Haute-Silésie (document du 15 décembre 1944). La veille de son départ, il écrit à sa femme, une lettre plutôt confiante dans l’avenir : “Je suis jeune, 30 ans, et pas malade”. Il n’est pas alarmiste, mais, sous les mots, le ton laisse transparaître désespoir et fatalité. Les documents en ma possession montrent des erreurs de date.

À partir de juillet 1942, ma mère et sa belle-sœur Rachel décident de partir dans le Vercors, à Vourey, avec la complicité d’un réseau de résistance où combattent plusieurs jeunes hommes originaires de Krasnik (Pologne), ville de naissance des deux femmes. Elles travailleront chez un paysan en échange du gîte et du couvert jusqu’à la Libération de Paris.

À cette date, après confirmation du décès de son mari, ma mère a le désir de partir pour les Etats-Unis, rejoindre un oncle à Brooklyn, mais finalement, elle préfère rester avec sa belle-sœur Rachel à Paris. Les conditions de vie sont très dures : tickets de rationnement, logement dans une pièce, travail chez un tailleur, rue Saint-Sébastien, à Paris 11e.

Puis ont lieu des retrouvailles avec une nièce, Simone, fille de Régine, sœur de mon père ;  avec un neveu, Armand, fils d’Anna, l’autre sœur ; avec un frère de mon père, Max, militaire dans la Légion juive de l’Armée Britannique. Elles méritent d’être racontées. Pendant la campagne d’Italie, Max entend des Canadiens parler français. Comme il sait que son frère s’est marié à Paris, il demande à ces soldats canadiens de rechercher le nom Wildfogel et de voir s’il y a des survivants. Max reçoit par la poste militaire l’adresse du 28 rue Saint-Sébastien. Dès la paix revenue, il se rend à Paris en 1948, il retrouve sa nièce Simone, âgée de douze ans, chez les sœurs à Sèvres (92) où elle a été cachée et baptisée. Après beaucoup de difficultés administratives, Simone part en Israël avec Max où elle vit toujours.

Toute sa vie, ma mère, décédée le 30 mars 1998, n’a pu oublier son mari qu’elle aura connu moins de deux ans. Pour moi, seule une photo témoigne de la courte existence de mon père.

 

Témoignage recueilli en 2009

 

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ISRAËL WILDFOGEL
Interné au camp de Beaune-la-Rolande à partir du 14 mai 1941
Déporté à Auschwitz le 17 juillet 1942 par le convoi 6
Assassiné à Auschwitz

CLAUDE WILDFOGEL
Fils d’Israël Wildfogel
le 7 novembre 1941