Joseph KREMENSTEIN
par son fils Arnold Kremenstein

Je m’appelle Arnold Kremenstein. Je suis le deuxième fils de Joseph et Esther Kremenstein (née Bloch).

Mon père, né à Aleksandria en Pologne (maintenant l’Ukraine), en janvier 1898, était venu à Paris en 1924 pour continuer ses études. Etudiant à la Sorbonne, puis à Toulouse et Poitiers, il obtint un diplôme en chimie de l’université de Poitiers.

Ma mère, née à Londres en août 1903, la seconde de six enfants d’immigrants de Lettonie, était venue à Paris vers 1930, comme jeune fille au pair et enseignante d’Anglais pour la fille d’une famille juive qui s’appelait Posner. Ils habitaient Boulevard de Strasbourg. Mes parents se sont rencontrés à Paris et ils se sont mariés à la synagogue de la rue Vauquelin à Paris, le 17 mars 1932.

En 1933, ils retournent en Pologne pour rendre visite, une dernière fois, à la famille de mon père. Gérard, mon frère aîné, est né le 15 Juillet 1935 à Paris.

Ma mère souhaitait rentrer en Angleterre, mais cela était impossible à cause du métier de mon père.

Mes parents se sont donc installés à Châlette-sur-Loing, près de Montargis, dans le Loiret où mon père travaillait comme ingénieur chimiste dans les laboratoires de l’usine Hutchinson. Je suis né à Châlette le 17 octobre 1939 et Fernand, mon plus jeune frère, à Montargis le 26 Mars 1941.

Le 26 juin 1942, la Gestapo et la police sont venues chez nous, 3 rue Edouard Vaillant, à Châlette, et mon père a été arrêté, sans ménagement, en même temps que d’autres Juifs, et conduit à Beaune-la-Rolande. Le 28 juin 1942, il fut déporté directement à Auschwitz par le convoi 5. Il y est mort le 10 août 1942, en moins de sept semaines.

Ma mère étant sans revenus est allée deux ou trois fois à l’UGIF à Paris pour demander une aide financière. Puis ce sont les amis et voisins qui l’ont aidée.

En février 1944, l’Abbé Crespin, vicaire de Châlette, a envoyé quelqu’un prévenir ma mère que les Allemands étaient sur le point de nous arrêter. Suzanne Dress, chargée du bureau de poste, nous a cachés dans une maison à Clémont-sur-Sauldre. Nous y sommes restés jusqu’à la Libération.

Après la guerre, ma mère fut persuadée par sa famille de retourner en Angleterre. Nous y sommes arrivés le 8 novembre 1945. En raison du manque d’assistance de sa famille, ma mère fut obligée de nous placer dans un orphelinat juif, à West Norwood, dans le sud de Londres, en avril 1946.

Ma mère et Gérard, ma femme et moi avons fait un pèlerinage à Auschwitz.

Ma mère est morte le 17 octobre 1991, Fernand, le 1^er janvier 2004.

Je n’arriverai jamais à comprendre ce qui est arrivé à mon père et l’effet que cette disparition a eu sur ma mère. Je ressens toujours de l’amertume pour l’assassinat de mon père et pour ceux qui ont échappé à la justice.

Témoignage recueilli en 2011

Revenir en haut