Szel Dawid au camp de Beaune-la-Rolande (novembre 1941). Archives familiales

Szel DAWID
par sa fille Claude Zerbib

Mon père était né le 23 avril 1900 à Syrardow, à 75 km de Varsovie. Je pense qu’il n’était pas d’une famille pratiquante. Un de ses frères est venu en France, tandis que sa sœur est restée en Pologne. Mon père a dû arriver en France en 1930. Il était célibataire et je ne sais pas ce qu’il faisait en Pologne.

Ma mère était née en 1906 à Sidlec en Pologne. Elle est venue en France à cause des pogroms, je ne sais pas en quelle année. Ma famille maternelle était très aisée. Ma mère était très politisée, très à gauche. Je ne pense pas qu’elle travaillait. Chez moi, on parlait yiddish. Je le comprends, mais je ne le parle pas.

Mes parents se sont mariés en France en 1933. Ils habitaient 4 rue Bellot à Paris.

Mon père était livreur aux Galeries Lafayette. Je sais qu’il s’est engagé dans la Légion étrangère, mais je ne sais pas pendant combien de temps.
 
Mon père a reçu la convocation le 13 mai 1941. Je crois que Maman l’a accompagné et moi aussi. Il y avait beaucoup de monde. C’était plutôt calme. Ma mère est allée chercher quelques affaires et je me souviens qu’ils sont montés dans les autobus. Ma mère était assez inquiète. Je ne sais pas si elle est allée le voir plusieurs fois, mais je me souviens y être allée en train. Je ne comprenais pas grand-chose à tout ça. J’avais une impression de peur. Maman était inquiète, mais elle voulait éviter de reporter ça sur moi. Je me souviens de l’entrée du camp avec des fossés de chaque côté, je m’amusais à monter et à descendre. On m’a dit : “on ne joue pas ici”. Mon père nous attendait, mes parents n’ont rien montré de particulier.

Quand je suis allée le voir, je ne portais pas l’étoile. Ma mère ne m’a jamais mise à l’école tant qu’on est restées à Paris. J’ai commencé à aller à l’école en 1943.

Maman, ou ma tante, avait organisé notre passage en zone sud. Ma tante était à Grenoble, elle s’est retrouvée seule, son premier mari étant à Pithiviers. J’ai été placée à Granieu, dans l’Isère. Je suis restée trois ans sans voir ma mère qui était agent de liaison dans les FFI.

Puis on est remontées à Paris. Comme notre appartement avait été réquisitionné, je me suis retrouvée à Andrésy pendant un an, je crois. J’étais très sauvage. Ma mère a travaillé à Andrésy, elle était mécanicienne en fourrure. Elle a donné beaucoup de son temps à cette maison. Ma mère avait un ami dentiste qui revenait d’Auschwitz et qui nous a dit que mon père avait cru nous voir arriver, Maman et moi, dans un convoi et qu’il s’est arrêté de travailler. J’étais présente quand cet ami a raconté cela. Je crois que maman avait su qu’il était parti de Beaune-la-Rolande. Il a été déporté par le convoi 5.

Ma mère allait au Lutétia assez souvent, mais on a attendu longtemps. Elle y allait aussi pour sa sœur Sarah, mon oncle Rafal et ma cousine Camille, âgée de deux ans et demi. Tous trois habitaient 9 rue Daix à Paris 10e.

Elle ne m’a pas parlé de mon père. Je regrette de ne pas avoir parlé assez avec ma mère. J’aurais pu commencer à parler avec Maman, mais en 1978, elle a perdu la parole en trois mois. Elle a été hospitalisée pour une tumeur à la suite des coups reçus pendant la guerre.

Il faut qu’on sache ce qui s’est passé et j’en ai beaucoup parlé avec ma famille.

 

Témoignage recueilli en 2010

 

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SZEL DAWID
Interné au camp de Beaune-la-Rolande à partir du 14 mai 1941
Déporté à Auschwitz le 28 juin 1942 par le convoi 5
Assassiné à Auschwitz

DENISE ZERBIB
Fille de Szel Dawid