Au camp de Beaune-la-Rolande. Jacques (Icek) Hochbaum est le 2e en partant de la droite (1942, sd). Archives familiales

Jacques (Icek) HOCHBAUM
par sa fille Suzanne Lissak

Mon père, est né en 1906 à LLOW en Pologne (région de Sochaczev).

En 1932, il vient à Paris, en qualité d’ouvrier boulanger et travaille dans les différentes boulangeries juives : rue des Écouffes, rue des Rosiers, à Montreuil où il fabrique du pain d’épice. En association avec Rosinski, ils ouvrent l’atelier de fabrication de matzot.

Le 15 juin 1932, il épouse Mera Warszawczyk. À cette occasion, ma mère porte la robe de mariée de son amie Madame Rosinski. De cette union naîtront mon frère Albert le 2 novembre 1932 et moi, Suzanne, le 4 septembre 1937, tous deux à l’Hôpital Rothschild à Paris 12e.

En 1932, mon père adhère au mouvement syndical CGT et six mois plus tard, il est élu membre de la commission de propagande, délégué à la commission intersyndicale.

De 1932 à 1939, mon père est à la tête du Syndicat des Boulangers Juifs de Paris, il en est également le trésorier. Malgré les conditions de travail extrêmement dures du métier de boulanger, il consacre tout son temps à son syndicat. Il est également présent dans de nombreuses organisations ouvrières. Grand, large d’épaule, il se distingue dans toutes les manifestations ouvrières.

En 1940, mon père s’engage dans l’armée française. Il est fait prisonnier de guerre, mais, à la première occasion, s’évade du stalag.

Sous l’occupation, on retrouve mon père dans la clandestinité syndicale. Le 14 mai 1941, il est arrêté et interné au camp de Pithiviers. Il fait partie du comité clandestin qui mène l’action en faveur des internés et de la résistance. Il se distingue particulièrement dans les actions de solidarité envers les plus déshérités.

Toujours le 14 mai 1941, mon père figure dans le fichier de Beaune-la-Rolande : numéro d’ordre 35P.

Baraque (illisible) avec pour motif d’internement “En surnombre dans l’économie nationale”.

Autorité signataire de la décision dont il fait l’objet : Préfecture de Police, signature illisible.

Le 27 juin 1942, il est déporté de Beaune-la-Rolande au camp de la mort de Birkenau. Un rescapé de ce camp raconte que mon père a eu un comportement héroïque. Le 25 juillet 1942, un mois après son entrée dans le camp, les kapos l’ont attaqué avec des bâtons et des nerfs de bœuf. Ne pouvant venir à bout de sa résistance physique, ils l’ont cruellement torturé pendant plus d’une heure, puis l’ont achevé en le jetant à l’eau. C’est ainsi que périt mon père, considéré par son entourage comme l’une des plus belles figures du Syndicat des ouvriers boulangers de Paris, Jacques (Icek) Hochbaum.

J’avais 2 ans et demi quand la guerre éclata. En 1940, ma mère est hospitalisée suite à une grave maladie dont elle ne se remettra pas. En 1941/42, mon frère et moi sommes cachés avec une quinzaine d’enfants juifs à Gargenville “Les Enfants Cachés”. En 1945, l’OSE vient nous chercher, pupilles de la nation, nous séjournerons et resterons dans les différentes maisons jusqu’à 18 ans. La vie en collectivité, le groupe, nous ont permis de nous en sortir, tout en gardant profondément des blessures qui ne s’effaceront jamais.

Le fait d’être juive donne des obligations à remplir, une façon de s’assumer. Je suis allée à Auschwitz-Birkenau, pour conjurer cette souffrance refoulée pendant de si longues années. Malgré une certaine appréhension, il me fallait mettre des mots, voir le lieu abominable où mon père et tant d’êtres humains avaient été exterminés.

De plus, je souhaitais consciemment et inconsciemment mettre un terme à cette période chaotique de mon enfance, si tourmentée affectivement et qui me hante aujourd’hui encore. En tant que juive, on est renvoyée à l’essentiel. Cette démarche était indispensable pour ma reconstruction. En outre, je n’ai jamais accepté le rôle de victime. Fonder une famille fait honneur à ces obligations.

Je pense qu’en témoignant, je contribue à retracer la mémoire de mon père, à faire connaître son combat héroïque. Il a mené une vie exemplaire, empreinte de solidarité et d’humanité.

Je suis habitée par la conscience juive, j’ai la conviction que ma participation à ce projet me donne l’opportunité d’accomplir le devoir de transmission si nécessaire.

 

Témoignage recueilli en 2008

 

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JACQUES (ICEK) HOCHBAUM
Interné au camp de Beaune-la-Rolande à partir du 14 mai 1941
Déporté à Auschwitz le 28 juin 1942 par le convoi 5
Assassiné à Auschwitz le 26 juillet 1942 à l’âge de 36 ans

SUZANNE LISSAK
Fille de Jacques (Icek) Hochbaum
Née le 4 septembre 1937 à Paris 12e