De gauche à droite, David Szwarcbart et Abraham Bursztejn tenant sa fille Annette dans ses bras (1936-1937, sl). Archives familiales

Abraham BURSZTEJN
par sa fille Annette Maslyczyk

Il est né le 1er juillet 1904 à Pinsk en Russie Blanche. Nous avons d’ailleurs évoqué son centenaire, nous ses descendants : enfants, petits-enfants, et ce fut très émouvant.

Il s’appelle Abraham Mordehaï Bursztejn, mais on l’appelle plus communément Motek.

Ce monsieur, c’était notre père. C’était un bel homme et d’une grande intelligence, d’une hypersensibilité et un lecteur invétéré ; il lisait tout et tout le temps !

Il était venu en France en 1931 pour poursuivre des études de Lettres et devait partir ensuite au Canada.

Mais voilà, il a rencontré notre mère, ils se sont mariés et il est resté en France ! Notre mère travaillait dans la fourrure, il a donc appris le métier de fourreur.

Je suis née en 1932 et mon frère en 1938.

En 1939, la guerre…

Etant étranger, notre père s’est donc engagé volontairement (armée polonaise en France) pour défendre sa nouvelle patrie. Il a été blessé au pied et démobilisé en 1940 avec l’armistice. Mais la France était devenue un pays occupé, avec à sa tête, un gouvernement collaborationniste.

Entre temps, mon frère et moi, avec notre mère, étions réfugiés dans le Loiret chez des fermiers, à quelques kilomètres de Beaune-la-Rolande, où nous sommes restés tous les deux jusqu’en 1943, notre mère étant remontée sur Paris pour travailler.

Quand les premières lois anti-juives ont été promulguées, des affiches demandaient aux Juifs étrangers de se faire recenser dans les commissariats.

Notre père, comme tout étranger, voulait être dans la légalité. Il a donc été se faire recenser ainsi que toute sa famille. C’est ainsi que le 13 mai 1941, il recevait le fameux “billet vert” lui enjoignant de se rendre à 7 heures du matin au Gymnase Japy, à Paris, accompagné d’une personne de son choix, pour éventuellement lui ramener des affaires, des vêtements…

Toutes les personnes concernées par le “billet vert” étaient des hommes jeunes pour la plupart. Ils étaient acheminés par train (m’a-t-on dit) jusqu’à Auxy et ensuite ils faisaient les derniers kilomètres à pied, jusqu’au camp de Beaune-la-Rolande.

Je me rappelle qu’une fois, nous sommes allés avec notre mère voir notre père dans ce camp (visite autorisée après la fouille évidemment).

Mais une autre fois, notre mère, je ne sais comment, avait réussi à obtenir qu’on voie notre père de loin, lui derrière les barbelés et nous trois, au pied du mirador, tenus en joue par le garde… Je m’en souviens comme si c’était hier, j’avais 9 ans.

Notre père est resté de mai à septembre 1941 à Beaune-la-Rolande. Il a été relâché parce que blessé de guerre à un pied (ma mère m’avait dit que c’était parce qu’il avait un souffle au cœur ?) Enfin, il était libéré chose assez rare pour être soulignée ! Mais pendant ce temps, un administrateur provisoire avait été nommé pour “gérer” les biens de nos parents. Cet individu a été très contrarié quand il a appris que notre père avait été libéré. Il a donc contacté les autorités “pour savoir ce qu’il devait faire” !!

La liberté de notre père fut hélas de courte durée car il a été raflé avec une grande partie de notre famille, lors de la rafle du 16 juillet 1942. Il était chez nous depuis sa libération de Beaune-la-Rolande.

Arrivé à Auschwitz, il y est resté trois mois car voulant défendre une femme qu’un SS tourmentait, il a été abattu comme un chien en septembre 1942. Ce témoignage m’a été confié par l’ami de ma mère, après la mort de ma mère qui ne m’en avait jamais parlé.

En tout, neuf personnes de notre famille, à Paris, ont été exterminées : notre père, mes grands-parents, des oncles, des tantes, des cousins, dont un de 11 ans, le petit David Szwarcbart.

À la Libération, revenue à Paris, j’avais des camarades d’école qui nous annonçaient le retour de leur père prisonnier. Nous habitions gare de l’Est. Tous les jours, j’allais avec les camarades voir les trains qui ramenaient les prisonniers. J’y suis allée jusqu’au dernier, mais pas de papa.

Je n’avais pas compris la différence entre prisonnier et déporté.

Il est mort à Auschwitz le 18 septembre 1942. Il avait 38 ans. La Libération a eu un goût amer.

 

Témoignage recueilli en 2014

 

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ABRAHAM BURSZTEJN
Interné au camp de Beaune-la-Rolande à partir du 14 mai 1941
Libéré du camp le 25 août 1941 comme blessé de guerre
Déporté à Auschwitz le 22 juillet 1942 par le convoi 9
Assassiné à Auschwitz le 18 septembre 1942 à l’âge de 38 ans

ANNETTE MASLYCZYK
Fille d’Abraham Bursztejn
Née en 1932